D'où vient votre vocation de coloriste-designer ?
Depuis l’enfance, je dessine, je peins, avec une attirance particulière pour la matière, ce qu’elle comporte de sensualité brute. L’origine de ma vocation est je crois une histoire de vision poétique du monde, une sensibilité à l'art dans laquelle j'ai été immergée enfant. Le métier de coloriste-designer m'était inconnu. Cela s'est construit au fil du temps et des rencontres, des gens m'ont fait découvrir ce métier rare, si peu connu. Ma vocation reste intacte grâce au travail formidable que l’agence accomplit depuis plus de 13 ans, explorant avec conviction et passion le champ très large du design, repoussant toujours les limites de son expertise.
Quelle est la place de la couleur aujourd'hui en architecture ?
Elle est forcément centrale, la couleur d'un bâtiment étant la première chose que l'on voit, le premier critère esthétique. Elle fait partie du concept architectural, au même titre que la forme. Et l'apport de la couleur en architecture est toujours lié au matériau, lequel donne corps et consistance aux choses, transforme la réception de la couleur : un rouge laqué n'a pas la même éloquence qu'un rouge amené par une pierre minérale. Ceci dit, les approches ne sont pas les mêmes selon qu'on parle d'architecture ancienne ou contemporaine. La couleur est associée de manière primordiale aux bâtis anciens, construits avec une ressource essentiellement locale. Aujourd'hui, les industriels offrent un éventail de couleurs, de matières et de finitions incroyables, c’est une matière « hors-sol », sans attache. Pour un architecte ou un designer, cette profusion est une chance, mais paradoxalement elle complexifie son travail supprimant le paradigme « vitruvien » * qui, hier, unissait nécessairement forme, matériau et couleur. Le terme de « peau » ou d’enveloppe amovible prend tout son sens.
* Vitruve architecte Romain, resté célèbre pour son traité De architectura. Pour lui, toute structure devait présenter trois qualités : pérenne, utile et belle. Il est le père de ce que l’on appellera par la suite la conception classique de l’architecture.
On comprend que la couleur des matériaux revêt une importance croissante. Quelles relations entretenez-vous avec les fabricants ?
A l’agence, nous avons une approche assez pragmatique, qui consiste à interroger les retours de terrain de fabricants, et les demandes spécifiques de certains architectes. Mais la dimension poétique est également présente. Avec elle, la couleur devient récit qui, superposé au réel, rend notre monde peut-être un peu meilleur, et plus beau, le réinvente. Certains fabricants savent entendre ce discours plus subtil, moins audible de prime abord. Je pense à Technal, qui a un grand intérêt pour la couleur. Sa dernière collection est très réfléchie, avec une attention particulière portée au patrimoine chromatique de la France, à la préservation des identités locales, et à côté, une offre de coloris plus "tendance", activatrice de création pour faire vivre l’architecture.
Le choix d'une couleur, d'une palette est-il nécessairement une quête d'harmonie ?
Il existe des règles esthétiques qui veulent que certains assemblages soient plus harmonieux que d'autres et produisent certains effets, aujourd’hui la tendance s’y superpose, perturbant un peu ou beaucoup ces conventions, proposant parfois des combinaisons plus expérimentales ou iconoclastes, préfigurant de nouvelles figures de style.
Toutes les couleurs sont belles, les possibilités harmoniques sont infinies. Ce sont les mauvaises appréciations des contextes et usages – sociaux, culturels, fonctionnels, environnementaux - qui font qu’un choix de couleurs sera mal reçu. La recherche d'harmonie doit être liée à un concept fort car un arrangement de couleurs, pour qu’il prenne sens, ne peut se faire au hasard. L'harmonie peut obéir à ces fameuses règles : monochrome, camaïeu, dégradé ou contraste... mais la quête de l'harmonie va bien au-delà. L’harmonie n'est pas qu'en rapport avec l'esthétisation du bâtiment, elle rejoint une pensée, un langage. Le terme « harmonie » est d’ailleurs très riche et comporte de multiples dimensions : une forme de classicisme et d’humanisme, la recherche d’un ordre qui rationnalise beaucoup l’usage de la couleur. Faire du design couleur, c’est faire acte de création dans un cadre contraint, dicté par le contexte et l’architecture.
Toutes les couleurs sont belles, les possibilités harmoniques sont infinies. Ce sont les mauvaises appréciations des contextes et usages – sociaux, culturels, fonctionnels, environnementaux - qui font qu’un choix de couleurs sera mal reçu. La recherche d'harmonie doit être liée à un concept fort car un arrangement de couleurs, pour qu’il prenne sens, ne peut se faire au hasard. L'harmonie peut obéir à ces fameuses règles : monochrome, camaïeu, dégradé ou contraste... mais la quête de l'harmonie va bien au-delà. L’harmonie n'est pas qu'en rapport avec l'esthétisation du bâtiment, elle rejoint une pensée, un langage. Le terme « harmonie » est d’ailleurs très riche et comporte de multiples dimensions : une forme de classicisme et d’humanisme, la recherche d’un ordre qui rationnalise beaucoup l’usage de la couleur. Faire du design couleur, c’est faire acte de création dans un cadre contraint, dicté par le contexte et l’architecture.
Que pensez-vous de la Couleur Pantone de l'année 2019 ?
Le Living Coral est une nuance intéressante par l’interprétation plurielle que l’on peut en faire : florale, féminine, acidulée, sophistiquée, un rien cuivrée, riche, avec quelque chose de frais, de jeune, de léger qui intègre aussi une certaine préciosité héritée des années 20, quelque-chose d’audacieux qui flirte avec la fantaisie, et conjure les grisailles du quotidien. Elle a suffisamment d’orangé pour ne pas être une couleur absolument genrée. C’est bien vu.
Nous sommes donc très à l'écoute de tous les messages provenant de l'industrie, de l’art contemporain, des bureaux de tendance, et des signaux émergents provenant de notre terrain d’étude de prédilection : la ville. La tendance, ce n'est donc pas juste une histoire de marketing ou de storytelling. Pantone, en tant qu’industriel, n'a pas autorité particulière dans l’analyse de la tendance. Selon moi, c’est plutôt un influenceur international très suivi. Pas un expert.
L’expertise tendance ne relève pas de l’oracle et de la pure empirie ! Elle fait intervenir le champ large des sciences sociales et humaines et celles de la création dans un cadre de recherche approfondie. Pantone a une telle aura, qu'il est suivi par un cortège d'industries qui vont incarner, donner vie à cette couleur 2019 Corail dans leur production, la légitimer. La force de Pantone est qu’il touche aussi le grand public. L’industrie a donc intérêt à produire sa couleur.
Nous sommes donc très à l'écoute de tous les messages provenant de l'industrie, de l’art contemporain, des bureaux de tendance, et des signaux émergents provenant de notre terrain d’étude de prédilection : la ville. La tendance, ce n'est donc pas juste une histoire de marketing ou de storytelling. Pantone, en tant qu’industriel, n'a pas autorité particulière dans l’analyse de la tendance. Selon moi, c’est plutôt un influenceur international très suivi. Pas un expert.
L’expertise tendance ne relève pas de l’oracle et de la pure empirie ! Elle fait intervenir le champ large des sciences sociales et humaines et celles de la création dans un cadre de recherche approfondie. Pantone a une telle aura, qu'il est suivi par un cortège d'industries qui vont incarner, donner vie à cette couleur 2019 Corail dans leur production, la légitimer. La force de Pantone est qu’il touche aussi le grand public. L’industrie a donc intérêt à produire sa couleur.
Portait en couleurs
Quelle couleur associez-vous à...Votre "sweet home" ?
Bizarrement je vois la neige…
Votre couleur fétiche…
La matière me fascine. Je n'ai pas de couleur fétiche, même si j'ai un profond amour pour le bleu car il a une capacité à produire un nombre incroyable de nuances, il est sans fin, comme l'horizon, j'adore cette couleur !
La créativité ?
La polychromie, ou l'hyperpigmentation. Une couleur qui jaillit du support, qui vous impressionne au sens propre et au sens figuré.
Le voyage ?
C'est l'ambre, parce que pour moi cela évoque Baudelaire et l'invitation au voyage, où il évoque des colorations dorées, ambrées…
L'harmonie ?
Question trop sage, je ne peux pas y répondre.
La ville idéale ?
C'est les couleurs de la diversité, c'est une forme de polychromie.