Rencontre avec les jurés du Palmarès Architecture Aluminium TECHNAL 2021 : Pascal Barbottin

 
P.B. : J'en identifie 3. La transition écologique d'abord, est au cœur de nos réflexions, avec pour nous un enjeu crucial qui est de maîtriser la quittance énergie-fluides-eau. Cela touche à la conception de l'opération, au respect des normes et à la qualité d'usage. Combiner ces 3 facteurs n'a rien d'évident et nécessite des compromis au cas par cas. Le 2^e défi est de penser aux futurs habitants, se mettre à leur place et réussir à concilier simplicité, économie, praticité et aménités. C'est par exemple, réduire la part du minéral pour créer plus d'espaces verts. On a ainsi systématisé les balcons et loggias dans nos projets neufs, on en rajoute dans l'ancien. On transforme les dalles de parkings pour ramener la nature en ville, avec du paysagisme comestible, des jardins partagés, etc. Prévoir des rangements est aussi très important dans la qualité perçue... Le 3^e défi, c'est les sous ! On sort d'une période où les financements étaient bon marché, les montages financiers sont plus compliqués, du fait aussi des coûts de construction et de l'inflation des normes, qui représentent 20% du coût de construction ! Cela avait commencé avant 2020, la pandémie et la guerre en Ukraine ont encore durci les conditions. Enfin, le pouvoir d'achat des accédants et locataires s'amenuise, alors que le ratio coût de sortie/coût de construction de nos programmes est déjà élevé, ce qui nous laisse peu de marge de manœuvre.

P.B. : Notre métier est de réfléchir à la façon de concilier ces défis, d'innover pour optimiser les façons de construire, d'un point de vue technique, économique et dans un meilleur respect de l'environnement. Pour cela il faut être inventif ! En tant que maître d'ouvrage, nous avons un rôle d'assembleur. Au-delà de l'acte de construire, il nous faut aller chercher les expertises, les financements. Cela nous oblige à avoir une vision large de nos métiers. On ne peut plus rester enfermés dans des cases, il faut que tous les acteurs de la chaîne immobilière se parlent et coopèrent. Cette dimension partenariale est fondamentale, a fortiori en période de crise. Il faut aussi exercer son métier avec bon sens. Dans le logement collectif, il y a des choses qui fonctionnent, d'autres non. Pour caricaturer, on ne fait pas un appartement tarabiscoté, avec des recoins partout, des petits ouvrants et sans rangement. Au moment où on parle innovation et normes tous azimuts, il faut savoir prendre du recul pour revenir aux fondamentaux, notamment à la question des usages, qui est un élément clé. 
 

P.B. : Les échanges dès l'amont du projet sont essentiels. Il faut associer à la réflexion les maîtres d'ouvrage, les architectes et maîtres d'œuvres, les entreprises et les occupants… C'est ce que Patrimoine fait sur le site de Guillaumet à Toulouse, où l'on crée un concept de "cocoon" au sein d'une résidence intergénérationnelle. Avec une association gestionnaire et un groupe de futurs preneurs, on conçoit des studios pour personnes âgées autour d'une zone de vie animée par l'association et tous les habitants seront invités à participer. L'autre règle incontournable, c'est l'emplacement, l'emplacement, l'emplacement ! Cela ne veut pas forcément dire proche du centre de la métropole. Aujourd'hui, on intègre toutes les aménités, à savoir les commerces de proximité, l'école, les espaces verts et l'offres de transports. Cela ne me gêne pas de construire sur l'axe Toulouse-Albi, si c'est en cœur de village, avec une gare bien desservie pour aller en ville.
 

P.B. : Notre difficulté comme maître d'ouvrage, c'est qu'on n'a pas toujours une vision immédiate et directe sur les détails du programme et les matériaux qui vont être employés. C'est peut-être un chaînon manquant dans la relation entre MO et architecte-maître d'œuvre. Il ne faut pas se contenter de passer commande et attendre le rendu. C'est l'intérêt de l'outil BIM aujourd'hui, qui met en permanence les avancées d'un projet sur la table. Multiplier les moments d'échange, de validation, développer l'amont encourage la créativité. C'est ce qu'on a fait pour la résidence Al Ferats, dans le quartier Andromède à Blagnac, une expérience intéressante de procédé constructif à base de cubes modulables. Les habitants ont pu choisir sur plan le modèle de maison qu'ils souhaitaient et les économies engendrées sur la construction ont été réinvestis dans la qualité d'usage : on a travaillé avec Technal sur des ouvrants panoramiques, qui apportent beaucoup de lumière aux intérieurs et donnent un côté californien aux maisons. Dernier point, il faut maintenir la compétence et l'émulation des équipes. Pour rester inventifs, il faut des gens curieux, qui se forment, échangent avec les autres, et donnent du sens à ce qu'ils font.

P.B. : Notre jury était un petit groupe très à l'écoute, soudé malgré des origines métier diverses. Nous avons d'emblée proscrit la notion de qualité architecturale, qui ne veut rien dire, pour se rejoindre sur un consensus fort : la recherche de projets témoignant d'un vrai dialogue entre le maître d'ouvrage, le concepteur et la maîtrise d'œuvre. Le choix était difficile du fait de la qualité et la variété des dossiers. Mais les avis ont été quasi unanimes pour les projets qui répondaient à une commande claire, avec un objet projeté lisible, compris et partagé.