Interview croisée Olivier Delalande (Delalande Architecture) et Anthony Vienne (Riva Architecte) Jurés du Palmarès Architecture Technal 2020/2021

Rencontres / Publié le 26 Octobre 2022

Interview croisée Olivier Delalande (Delalande Architecture) et Anthony Vienne (Riva Architecte)  Jurés du Palmarès Architecture Technal 2020/2021

Comment est née votre vocation ?

O.D. : J'ai d'abord entamé des études d'ingénieur mais c'était trop carré à mon goût – tout blanc ou tout noir - il me manquait la dimension culturelle. J'ai donc bifurqué vers l'architecture, qui réunit à la fois la technique et la culture, en intégrant l'ENSA de Paris-La Villette.
 
A.V. : Adolescent, je voulais être inventeur ou aventurier. J'adorais dessiner, des avions, des voitures... J'ai même gagné un concours de dessin organisé par Mercedes. J'inventais des engins, comme des petits bateaux, des overcrafts, j'aimais comprendre leur fonctionnement. J'ai choisi l'architecture car pour moi un architecte c'était avant tout un ingénieur. J'ai découvert à l'école les autres aspects du métier, la créativité, la sociologie, cela m'a passionné.
 

Qu'est-ce qui a déterminé l'orientation de votre travail, vers la rénovation d'immeubles pour l'un, vers l'habitat individuel pour l'autre.

O.D. : En 1984, mon diplôme en poche, j'ai cherché du travail dans les agences pour "tirer des barres" comme on disait, c'est-à-dire dessiner des bâtiments à la chaîne. Nous étions en pleine crise de la construction, et au moment où l'explosion de la micro-informatique a supprimé beaucoup de ces emplois de débutants. En revanche il y avait beaucoup de demandes pour des rénovations de copropriété. J'ai décidé de me mettre à mon compte avec mon petit Mac, pour me positionner sur ce secteur, et cela m'a passionné.
 
A.V. : Au départ, j'ai travaillé pour de grandes agences, comme beaucoup de mes copains. Nous étions les petites mains, on dessinait les projets pour les concours. Un jour un ami m'a demandé de dessiner sa maison. J'ai hésité, car ma spécialité c'était plutôt les collèges, les piscines ou les grands collectifs ! J'ai fini par accepter et cela m'a plu. Ensuite j'ai créé une structure avec 2 amis, mais le marché était verrouillé par les grosses agences. On a alors décidé d'être nos propres promoteurs. Ayant trouvé un terrain par hasard, une dent creuse en ville, j'ai décidé d'y construire ma maison, comme je l'entendais. En 2002, le marché de l'habitat sur Lille était ultra-traditionnel, en briques et tuiles. Nous, on a fait une maison très moderne, à ossature bois avec une façade tout en panneaux noirs et en verre, en faisant abstraction de tous les a-priori et les codes esthétiques. Ce projet a été un pavé dans la marre et a lancé ma carrière.
 

Comment concevez-vous votre métier d'architecte ? Quelles sont vos priorités ?

O.D. : Je suis convaincu que l'essentiel du patrimoine bâti est déjà là. Le travail de l'architecte, c'est d'en prendre soin, pour l'entretenir et le faire évoluer, en l'adaptant à de nouveaux usages, en l'améliorant au plan énergétique. L'avenir du métier réside dans notre capacité à travailler sur l'existant, et même sur l'existant habité. C'est une approche différente, où l'usage et la technique priment sur l'esthétique, avec beaucoup plus de contraintes qu'un chantier neuf interdit au public.
 
A.V. : Pour moi, être architecte, c'est un travail d'aiguillage. On n'est pas là pour imposer, sinon cela donne un projet froid, impersonnel. Cela doit découler d'un dialogue avec le client. Ma priorité, c'est l'écoute. Bien sûr, si certaines demandes nous paraissent aberrantes, on va faire le tri, proposer d'autres solutions. Quand ce travail est bien fait, on ne fait qu'une esquisse et c'est la bonne. Voilà pour le programme. Ensuite, j'attache beaucoup d'importance à l'esthétique. Il faut que ce soit élégant, bien dessiné.
 

Pouvez-vous illustrer votre propos par un ou deux projets, dont vous êtes particulièrement fiers ?

O.D. : J'ai en tête une rénovation réalisée en 2019 rue Mahler à Paris, dans un immeuble de 1830 situé dans le Marais, en secteur sauvegardé, avec un toit en ardoises et zinc typique. J’ai refait un appartement mansardé et toute la couverture. Pour isoler le toit, j'ai prescrit un matériau biosourcé, la laine de bois, ce qui a nécessité de rehausser la toiture de 30 cm. Le travail a été si bien réalisé qu'il est invisible et a reçu l'aval des Bâtiments de France. L’appartement, moins énergivore a gagné en confort d'hiver et d'été.
 
Interview croisée Olivier Delalande (Delalande Architecture) et Anthony Vienne (Riva Architecte)  Jurés du Palmarès Architecture Technal 2020/2021
©Delalande Architecture
A.V. : la maison MV1 dont je vous parlais à l'instant, reste une fierté, car elle m'a permis d'affirmer mes convictions et de me faire connaître et de remporter un prix au Palmarès Architecture Aluminium TECHNAL. 
Interview croisée Olivier Delalande (Delalande Architecture) et Anthony Vienne (Riva Architecte)  Jurés du Palmarès Architecture Technal 2020/2021 Interview croisée Olivier Delalande (Delalande Architecture) et Anthony Vienne (Riva Architecte)  Jurés du Palmarès Architecture Technal 2020/2021
Maison MV1 ©Riva Architectes
A.V. : Je citerai aussi la maison D. ultra vitrée, et ses beaux matériaux, une brique traditionnelle collée et un cèdre rouge, assemblés à fleur. Ce projet a lui aussi été distingué au Palmarès TECHNAL, en 2019. Mais aujourd'hui, avec la RT2020, je ne pourrais pas le refaire, on choisirait des matériaux moins énergivores, il y aurait moins de vitrage...
Interview croisée Olivier Delalande (Delalande Architecture) et Anthony Vienne (Riva Architecte)  Jurés du Palmarès Architecture Technal 2020/2021 Interview croisée Olivier Delalande (Delalande Architecture) et Anthony Vienne (Riva Architecte)  Jurés du Palmarès Architecture Technal 2020/2021
Maison D ©Riva Architectes

Cela nous amène à l'injonction de sobriété, qui est dans tous les esprits. Est-ce une contrainte ou une opportunité ?

O.D. : Une opportunité bien sûr ! La sobriété est dans l'ADN de la Compagnie des architectes de copropriété, que j'ai présidé et dont je suis toujours membre actif. Jusqu'ici on prêchait un peu dans le désert. Mais les choses changent. Le diagnostic global, que nous pratiquons depuis toujours, est désormais inscrit dans la Loi. Idem pour les isolants biosourcés, que l'on prescrit depuis plus de 10 ans. On nous a beaucoup ri au nez quand l'énergie était bon marché. Depuis la rentrée, le revirement est stupéfiant, on croule sous les demandes de diagnostics thermiques et les études d'isolation.
 
A.V. : Je crois aussi que l'avenir du métier d'architecte, c'est la rénovation, l'agrandissement et le réaménagement de bâtiments. Notre agence a de plus en plus de projets de rénovation d'habitat individuel. C'est logique car dans ma région, le Nord, il y a moins de terrains disponibles, faire construire devient inaccessible pour beaucoup de gens. La sobriété, c'est savoir faire des bâtiments compacts. Les architectes ont ça dans le sang. N'ayant pas les moyens et la puissance de frappe d'un constructeur, pour décrocher un projet, on doit faire la chasse à la place perdue pour faire des économies. De même, on évite de mettre de l'or dans nos façades, l'essentiel est dans la ligne, l'allure générale du bâtiment. La sobriété, ce n'est pas un souci. Les contraintes, ce sont les procédures administratives, la réglementation et les normes, qui sont parfois aberrantes. 

Que retenez-vous de votre expérience de juré du Palmarès Architecture Aluminium Technal 2020-2021 ? 

A.V. : L'intérêt de ce concours, c'est qu'il est ouvert aux gros cabinets comme aux tout petits. J'ai beaucoup aimé le projet de réhabilitation d'une halle industrielle, La Cité à Toulouse, la réponse était pertinente. Il y a aussi ce jeune qui s'est fait sa propre maison-atelier, dans une dent creuse au centre de Lille, exactement comme moi à mes débuts. Cela m'a rappelé des souvenirs et aussi qu'il faut toujours oser, croire en ce qu'on fait et ne pas trop écouter l'avis des autres.

 
O.D. : J'ai adoré cette expérience qui réunissait des jurés de spécialités différentes, c'était très enrichissant. J'ai apprécié que chaque projet soit présenté à l'aveugle, sans qu'on sache qui l'a fait, où il est situé. Avec le recul, je m'aperçois que la sobriété n'était pas au centre de nos discussions. C'est esthétique, l'insertion paysagère qui ont primé. C'était en 2021, cela paraît loin... La crise énergétique et des matériaux, un été de canicule sont passés par là. Le prochain Palmarès témoignera sûrement des évolutions qu'on vient d'évoquer.

> Voir les lauréats du Palmarès Architecture Aluminium Technal 2020/2021

Interview croisée Olivier Delalande (Delalande Architecture) et Anthony Vienne (Riva Architecte)  Jurés du Palmarès Architecture Technal 2020/2021

Laisser un commentaire

En soumettant le présent formulaire de contact, vous autorisez TECHNAL à utiliser les informations personnelles que vous avez saisies pour traiter votre demande. Pour en savoir plus sur nos engagements pour garantir l'intégrité et la sécurité des données personnelles de nos clients et partenaires nous vous invitons à consulter notre politique de confidentialité à partir du lien ci-après : https://www.technal.com/fr/fr/accueil-professionnels/mentions-legales/politique-de-confidentialite/

* Champs obligatoires

/ recevez le meilleur de l’actu 4114

Inscription réussie Echec de l'inscription