Interview Maxime Khalili – K&+ ARCHITECTURE GLOBALE

Rencontres / Publié le 26 Mai 2020

Interview Maxime Khalili – K&+ ARCHITECTURE GLOBALE

Comment est née votre vocation d'architecte ?

M.K. : Jeune, j'ai toujours eu un crayon en main, ce plaisir de dessiner me suit depuis toujours et par la suite, est venue l'envie d'organiser la vie des gens. Ça commence par réorganiser sa chambre, regarder l'architecture, la ville, l'aménagement d'un jardin... Plus tard, étudiant à l'École d'architecture de Strasbourg, je n'ai jamais eu l'impression de travailler, j'étais dans mon élément. Cela m’agace quand on dit des architectes que ce sont des artistes, nous sommes plutôt des hommes de l'art. La culture architecturale en France se base trop souvent sur les grandes stars qui ne représentent pas la réalité, notre métier est plus technique. Je le compare souvent à la cuisine. Dans les deux cas, c'est une façon de transformer la matière, un rapport à l'humain et une fonction sociale. L'homme a besoin de manger et de s’abriter. L'architecture, c'est transformer la matière en quelque chose qui est vital.
 

Votre agence K&+ revendique une " architecture globale ", qu'entendez-vous par là ?

M.K. : Pour nous l'acte de construire est une globalité, c'est concevoir et réaliser. Jean Prouvé disait "il faut dessiner ce qu'on réalise et réaliser ce qu'on a dessiné", c'est le fondement de notre atelier. Nous sommes 6 associés, la moitié sont des ingénieurs techniciens, l'autre moitié des architectes. Nos compétences vont du premier trait à la dernière brique et notre travail s'articule en un aller-retour constant entre la conception et le chantier. Il y a aussi le fait de dire logement ou équipement, on aime tout faire. Le métier a beaucoup changé, il est devenu complexe, poussant les architectes à devenir des spécialistes, certains de l'école maternelle, d'autres de l'hôpital, ou des parkings… Mais les architectes ne sont pas formés à faire du chantier, ils n'ont pas toujours été bons là-dessus. Nous nous revendiquons agence d'architecture, avec en plus des compétences techniques variées au sein de l'équipe – sur l'urbanisme, la petite enfance, le logement... Nous sommes multicartes.
 

Quelles sont vos priorités ?

M.K. : Nous cherchons à avoir une intelligence dans la conception de nos projets. Nous avons des convictions qui se traduisent par des priorités : des logements traversants, lumineux, la recherche de la qualité dans les matériaux, dans l'isolation, mettre l'homme au centre de notre conception. En matière de performance énergétique, nous ne cherchons pas la technicité d'un chauffage ou des panneaux solaires en premier, nous pensons que la meilleure énergie est celle qu'on ne dépense pas, donc on oriente correctement notre bâtiment pour avoir les bons apports d'énergie solaire. Nos convictions écologiques ne sont pas nouvelles. Dès les années 2000, nous avons commencé les premières maisons en structure bois et passives. Dernièrement nous avons réalisé le premier bâtiment en bas carbone, Eko 2. Nous sommes aussi les lauréats d'Archipel 2, un grand projet urbain à Strasbourg, avec des tours de 15 étages, où on a augmenté la hauteur du bâtiment pour libérer le sol et créer un parc. Nous pensons qu’il faut que la ville soit très urbaine pour préserver la campagne. Il n'y a rien de pire que l'étalement urbain. Travailler sur la densité, c'est la bonne façon d'être écologique, cela limite l'étalement, le gaspillage d'énergie, les transports. Dans notre façon de concevoir, on recherche la qualité urbaine, la qualité des logements, la qualité de vie et la durabilité d'un bâtiment. Personnellement, j'adore visiter des vieux bâtiments et je suis admiratif du pari Haussmannien, de sa durabilité : cela donne des logements bien éclairés, bien orientés, dans des constructions de qualité, avec une pierre en façade qui fait qu'un siècle plus tard c'est toujours intact.
Interview Maxime Khalili – K&+ ARCHITECTURE GLOBALE Interview Maxime Khalili – K&+ ARCHITECTURE GLOBALE

Votre agence a signé le projet Eko2, dans le quartier de la Meinau à Strasbourg, qui a obtenu le label BBCA.
Quels ont été vos choix constructifs pour y parvenir ?

M.K. : Le promoteur Alcys avait obtenu le terrain en s'avançant sur du BBCA, à l'époque, on ne savait même pas ce que c'était. Mais faire du BBCA, cela signifiait construire en bois, la seule matière bas carbone. Or faire un bâtiment en bois à 1 450 € le m2, c'est juste impossible. On a travaillé deux mois avec les ingénieurs des deux bureaux d'études pour trouver la solution. Et puis, nous avons découvert la brique bas carbone [le bois utilisé dans le process pour chauffer la brique est un bois de récupération au bilan carbone neutre]. On a ainsi pu mixer structure bois, béton et briques, ce qui est peu courant en France, où on a tendance à faire du tout bois. Mais le défaut du bois c'est qu'il n'a pas de masse, or c'est ce qui donne de l'inertie au bâtiment. Nous avons pris le parti de faire des murs en Biobric et des planchers béton dans les immeubles. Les attiques des immeubles sont en structure bois avec des parements en zinc, ce qui allège le bâtiment et réduit le coût des fondations. Il y a aussi des maisons tout en bois, et une dizaine de logements en intermédiaire –mélange entre maison et collectif-, dont les rez-de-chaussée sont en béton et le reste en bois. Mais notre principe d'écriture a été partout le même : recouvrir de zinc toutes les parties en structure bois. Côté menuiseries, on est sur du bois sauf au rez-de-chaussée pour les commerces, où nous avons des baies en aluminium Technal, qui optimisent la surface vitrée de façon esthétique. Ensuite, pour le BBCA, les calculs prennent en compte le type d'énergie utilisé. Sur Eko 2, quand on a creusé pour le parking, on avait les pieds dans l'eau, on a décidé de s'en servir pour faire une géothermie. Une construction c'est un Rubik's cube, les solutions sont diverses il faut faire les bons choix techniques, économiques et de bien-être et dans la durabilité.
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L’arrivée de l’aluminium recyclé Hydro CIRCAL 75R sur le marché pourrait-il modifier vos futurs choix ?

M.K. : Oui bien sûr. Nous sommes très attentifs à l’empreinte carbone de nos constructions. L’aluminium est une matière incontournable par ses qualités physiques et esthétiques. Ne pas pouvoir l’utiliser pour les raisons écologiques nous brimait jusque-là. Avec cette solution nous allons remettre cette matière incroyable dans la palette de nos conceptions. 
  

Quelle est votre réalisation la plus emblématique à vos yeux ?

M.K. : Le projet de logement social que nous avons réalisé à Plobsheim avec Icade est une belle réussite, qui illustre bien les priorités et les convictions de notre agence. Ce sont 35 logements mixant de la maison, de l'intermédiaire et du collectif, avec partout des logements traversants. Cette mixité programmatique a permis une mixité sociale avec une cohésion d'ensemble ! Le site était un ancien terrain de football dans une commune de périphérie peu dense. Il fallait intégrer le volume et la densité du programme sur ce terrain. En insérant des parkings sous le collectif, nous avons pu créer une venelle avec des jardins, beaucoup de verdure, et ce que nous appelons des espaces ambigus : si vous élargissez un trottoir, ou une rue, que vous enlevez les voitures, cela peut devenir une placette, vous ajoutez des bancs, et les gens peuvent se rencontrer. Ce sont des espaces capitaux pour créer la cohésion et la vie. Le plus difficile c'est de se projeter sur comment le bâtiment peut vivre. Cela ne relève pas du savoir architectural, mais de l'observation. Regarder la façon dont les espaces fonctionnent, le vécu des lieux, c'est ce qui nous intéresse le plus.
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Quelle est votre vision de la ville de demain ?

M.K. : Les modernes ont toujours voulu raser la ville et la refaire, en disant tabula rasa, on recommence, on met l'industrie dans une zone, l'activité dans une autre, l'école ici. Moi-même durant mes études, j'étais passionné par Le Corbusier à Chandigar, Oscar Niemeyer et Brasilia. Aujourd'hui la ville européenne a une qualité, c'est sa culture et son histoire, il faut faire avec. Donc il faut construire la ville sur la ville avec ce qu'elle a de bien et de durable aussi. Notre idée c'est d'avoir une ville dense, ce qui permet de réduire les déplacements. Notre agence prône le petit collectif plutôt que la maison individuelle, pour éviter l'étalement, et aussi la vie dans la ville, s'assurer de la mixité sociale des quartiers. Ce qui est plutôt une réussite à Strasbourg, qui impose 35% de logement social dans les nouveaux programmes. Il faut redonner de l'espace public aux habitants pour promouvoir la vie. Souvent cela passe par une volonté politique, mais les élus ne sont pas toujours bien entourés, il faut aller les voir avec des analyses urbaines, comme on l'a fait à Strasbourg, leur montrer qu'une autre vision de la ville est possible. Mais l'urbanisme n'est pas le même temps que l'architecture. Un quartier met 8, 10 ans à voir le jour. C'est long, il faut être patient. 

Portrait chinois

Si vous étiez …
 
Une ville ?
Paris, même si elle est aujourd'hui sale et très polluée, c'est quand même la plus belle des villes. Je suis président de l'association AMO Architecture et maitre d'ouvrage pour la région grand Est, on fait beaucoup de visites de villes, New York, Berlin Tokyo, Vienne…  Mais chaque fois que je vais à Paris, je la trouve toujours plus sublime. 

Une couleur ?
Bleu, la couleur du ciel. 

Un matériau ?
Le béton, c'est une matière qui me fait vibrer. 

Un végétal ?
Le bambou. Je pense que c'est le matériau de l'avenir. Ça pousse vite, c'est costaud, on peut faire énormément de choses avec. Il faut juste trouver la solution pour le faire pousser sous nos latitudes. 

Un personnage célèbre ?
Le Corbusier, c'est mon idole. Et si on sort de l'architecture, Albert Camus. 

Un monument célèbre ?
Le musée du Quai Branly. C'est le dernier bâtiment pour lequel j'ai eu une vraie émotion. Il y a un parcours, on passe dans un jardin, sous le bâtiment avant de rentrer à l’intérieur tout en tournant autour, c'est fabuleux.

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