Exposition Mimèsis au Centre Pompidou-Metz : du biomorphisme au design vivant

Cette importante exposition collective (400 œuvres d'art, 90 artistes modernes et contemporains) offre une double vision, à la fois historique et thématique. Véritable leçon d'art et d'histoire, elle balaye tous les courants artistiques qui ont traversé le design au XXe siècle. Elle retrace l'apparition du biomorphisme à la fin du XIXe siècle (du grec bios, la vie et morphè, la forme), qui caractérise des œuvres non figuratives dont les formes rappellent celles du monde organique. D’Alvar Aalto à Sori Yanagi, on découvre ensuite comment les avant-gardistes de l'art moderne en Europe, aux États-Unis ou au Japon puisèrent leur inspiration dans la nature et les sciences, pour réinventer le mobilier et la décoration intérieure. En France, Charlotte Perriand, dès les années 1930, s’inspire de la force de la matière pour ses créations. Après-guerre, le créateur Serge Mouille désigne des luminaires dans une approche biomimétique ; outre-Atlantique, le couple-star du design Charles et Ray Eames multiplie les assises aux lignes courbes, recherchant l'harmonie dans des formes organiques.
 

Dans les années 1960, l'époque est aux paradis artificiels. De Verner Panton à Pierre Paulin, les chantres du Pop Art s'inspirent de la nature et du corps humain pour designer des produits (les sièges Tongue chair et Mushroom de Paulin). Leurs décors psychédéliques inspirés des lois mathématiques et de l'optique, créent du sol au plafond des paysages intérieurs artificiels.
 
Suite aux chocs pétroliers des années 70, l’utilisation des matières et process industriels est remise en cause. On ne se contente plus d'interpréter la nature, on cherche à l'intégrer au cœur des objets, en rapprochant industrie et artisanat. Témoin les bibliothèques Tronchi et Tree 5 d’Andrea Branzi, où un tronc ou une branche d'arbre sert de support aux étagères. La tendance est toujours d'actualité, comme l'ont récemment prouvé Erwan et Ronan Bouroullec avec les Rêveries urbaines, un ensemble de mobilier urbain qui réconcilie nature et artifice dans l’espace public.
 

À partir des années 2000, les nouvelles technologies révolutionnent le design, rendant plus floue la frontière entre mondes naturel et artificiel dans la création contemporaine. Grâce à la fabrication additive (impression numérique 3D), les designers créent des objets à partir de matériaux alternatifs au plastique, d'origine naturelle. C'est le temps des bio-matériaux, fabriqués à partir d’organismes biologiques, ouvrant la voie à la création d'objets entièrement biodégradables. On découvre avec intérêt le travail du Studio Klarenbeek & Dros, concepteur d'une chaise imprimée à partir de mycélium de champignon et de vaisselle fabriquée à partir d’algues et de sucre. Ces travaux font écho à ceux de la célèbre architecte-designer et chercheuse au MIT Neri Oxman. La cheffe de file du biomimétisme a mis au point des polymères naturels, dérivés de la chitine, (le constituant principal des coquilles de crustacés), pour alimenter une imprimante 3D. Son équipe est par ailleurs connue pour avoir conçu en 2013 le Silk Pavilion, un dôme "tissé" par des vers à soie placés sur une structure métallique, sorte d'imprimante 3D vivante ! On le voit, avec l'avènement de l'impression numérique, c'est bien la notion de « vivant » qui prend le pas sur celle de "nature".
 
Le parcours de l'exposition Mimèsis révèle les liens étroits qui existent entre le design et création artistique d'une part, et la biologie, la technologie numérique et l’écologie, d'autre part. Le Centre Pompidou-Metz met ainsi en lumière le changement de notre rapport au vivant et l'évolution du design contemporain vers une empreinte écologique la plus faible possible, voire nulle.