De la sobriété à la frugalité, l'architecture contemporaine se réinvente

Architecture / Publié le 24 Octobre 2022

Sobriété ! C'est le mot d'ordre de l'automne 2022, en réponse à la crise énergétique et climatique. L'enjeu est crucial pour le secteur du bâtiment, responsable de 40% de la consommation d'énergie et d'1/4 des émissions carbonées. En matière de conception, la sobriété énergétique ne suffit plus, l'architecture frugale est le nouveau paradigme.

De la sobriété à la frugalité, l'architecture contemporaine se réinvente

La sobriété, une idée neuve ?  

Si l'injonction de sobriété a envahi le débat public cet automne, l'idée n'est pas nouvelle - la sobriété figure dans la loi sur la Transition énergétique pour la croissance verte de 2015. Mais avec le Plan de sobriété énergétique présenté début octobre par le gouvernement, un cap a été franchi. Cette fois, l'heure est à la mobilisation générale dans l'habitat et le tertiaire car la menace de coupures d'électricité et de gaz est bien réelle. Administrations, entreprises et particuliers, chacun est appelé à prendre sa part. Premier pilier d'action : les économies d'énergie, avec un objectif de baisse de la consommation du pays de 10% d’ici à 2024. L'enjeu est double : à très court terme, il s'agit de passer l'hiver, en évitant les ruptures d'approvisionnement. A moyen et long terme, il s'agit de réduire drastiquement notre consommation d’énergies fossiles, pour retrouver notre souveraineté énergétique et atteindre la neutralité carbone. A cet égard, le rapport Futurs énergétiques 2050 de RTE chiffre à 40% la réduction nécessaire d’ici à 2050. Il s'agit de faire de la sobriété une nouvelle manière de concevoir et d’habiter, qui sera une des clés de la transition écologique.
De la sobriété à la frugalité, l'architecture contemporaine se réinvente

Cinquante ans de réglementation thermique

En matière de bâtiment, la longue marche vers la sobriété énergétique remonte à la 1ère Réglementation Thermique (RT1974) créée lors du 1er choc pétrolier. Mais c'est à partir de la RT2005 et du Grenelle de l'environnement (2007), que la prise de conscience climatique s'opère, poussant architectes et maîtres d'ouvrage à construire des bâtiments mieux isolés et moins énergivores sous la pression du législateur cf. la création du DPE (Diagnostic de Performance Énergétique), les labels HPE et THPE, Bâtiment Basse Consommation (BBC), et HQE (Haute qualité environnementale). La RE2020 franchit un nouveau cap en matière de confort d'été et d'hiver et d'impact carbone global des bâtiments, visant la neutralité carbone en 2050 (label BEPOS-Bâtiment à Énergie positive). En dépit de cette inflation des normes, le secteur du bâtiment représente 40% de la consommation énergétique nationale (en intégrant les énergies grises, c'est-à-dire celles nécessaires tout au long de la vie du bâtiment, ndlr), près de 25% des émissions de CO2 et 40 % des déchets produits.

- La frugalité est la juste consommation des fruits de la Terre. - 

De la sobriété à la frugalité

Un changement de paradigme est nécessaire. Il a été théorisé en 2018 par trois pionniers de l'architecture écoresponsable, l'architecte Philippe Madec, Alain Bornarel, ingénieur fondateur du bureau d'études Tribu et Dominique Gauzin-Müller, critique d'architecture et universitaire, dans le "Manifeste pour la frugalité heureuse et créative dans l’architecture et l’aménagement des territoires urbains et ruraux". Mais quelle différence entre sobriété et frugalité ? Au sens littéral, la frugalité (du latin frugalitas) est la juste consommation des fruits de la Terre. Il ne s'agit plus seulement de réduire la consommation d'énergie et les gaz à effets de serre, mais de changer la manière de construire, l'usage de nos habitats et l'aménagement du territoire. Une vision partagée par Christine Leconte, la présidente du Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA) élue en 2021. Dans Réparons la ville ! (Essai coécrit avec l’urbaniste Sylvain Grisot, Éditions Apogée), elle prône une construction low-tech, utilisant des matériaux écologiques, bas carbone, biosourcés (bois, chanvre, paille...) ou géosourcés (terre, pierre...) localement. Elle appelle à créer des filières de réemploi, citant en exemple le chantier du Grand Paris, où la terre excavée sert à fabriquer des briques en terre crue. Elle souhaite davantage de bâtiments modulaires ou démontables et accorde une place centrale à l’intelligence collective et la co-conception, pour répondre aux besoins réels des habitants.
De la sobriété à la frugalité, l'architecture contemporaine se réinvente

Faut-il encore construire ?

La question se pose et n'est plus taboue aujourd'hui. "Une ville sobre, c'est d’abord une ville qui cesse de grandir, voire qui se densifie", assène Christine Leconte dans un récent interview au Monde, citant en exemple le travail de rénovation-agrandissement de logements sociaux mené par l'agence d'architecture Lacaton & Vassal (Pritzker Price 2021) à Bordeaux. Les solutions qui s'offrent aux architectes et urbanistes ? Occuper les logements vacants, éliminer les dents creuses en ville, multiplier les projets de rénovation et reconversion d'édifices anciens plutôt que de détruire pour reconstruire. Les grands promoteurs l'ont bien compris, à l'instar de Bouygues Construction, qui prévoit de réaliser 95 % de son activité en rénovation en 2050, contre moins de 10 % actuellement.
Réhabiliter, rénover, densifier. C'est bien le sens de la loi Climat et résilience d’août 2021, qui a fixé l'objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) à l'horizon 2050. Un véritable défi, alors que le modèle de la maison individuelle est dominant dans notre pays (56 % du parc total de résidences selon les donnée Insee) et que le pavillon avec jardin reste le rêve ultime d'une majorité de Français.

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