Balade architecturale en bord de mer – Épisode 3 / Bretagne & Normandie

Riche de 83 monuments historiques, Saint-Malo doit son fabuleux patrimoine à la colonisation des Amériques et au développement du commerce avec les Indes. Sa ville close de remparts donnant sur la Baie du Mont Saint-Michel, cernée par petits forts défensifs perchés sur des îlots rocheux, vaut vraiment le détour. On y reconnaît la patte de Vauban, aidé d'un certain Garangeau pour la maîtrise d'œuvre, sur ordre de Louis XIV. Le fort national construit en 1689, en granit de Chausey, en est une illustration majeure. Sa visite offre un voyage dans le temps, des grandes batailles maritimes aux aventures de Surcouf le corsaire, des mémoires de Chateaubriand, autre illustre enfant du pays, à la 2^ème guerre mondiale. Autre joyau de la cité, la cathédrale Saint-Vincent, d’architecture romane. C'est ici que Jacques Cartier, originaire de St Malo, reçut la bénédiction avant son expédition vers le Canada, comme le rappelle une mosaïque de la nef.
 
Hors les murs, on s'attardera sur les malouinières, ces résidences secondaires construites entre 1680 et 1730 par les riches armateurs et négociants malouins désirant échapper à la promiscuité de la ville close. Il subsiste autour de Saint-Malo 112 de ces imposantes bâtisses entourées de vastes parcs et de dépendances (colombier, chapelle, communs..). Leur style architectural austère porte la signature des disciples de Vauban : murs en granit, ouvertures symétriques et alignées, toits hauts. Certaines d'entre elles, classées monument historique, se visitent (Ville Bague, La Chipaudière notamment).

À la fin du 18^ème siècle, la mode des bains de mer se répand en France. Le premier établissement de bain de Dinard s’installe sur la plage de l’Écluse au milieu du 19^ème siècle, la communauté anglaise fait alors la renommée de Dinard. « L’English touch » se traduit par de nombreux éléments architecturaux : bow-windows, vérandas, fenêtres à guillotine, halls d’honneur et charpentes apparentes lambrissées deviennent des classiques de l’architecture balnéaire.
De la fin du 19^ème siècle à 1914, à la Belle Époque, la cité dinardaise vit un âge d'or. Les casinos, établissements de bains et grands hôtels emblématiques fleurissent. D’extravagantes villas et châteaux, propriétés de l’aristocratie et des grands capitaines d’industrie, sont bâtis. Encadrant le centre-ville, la pointe du Moulinet et la Pointe de la Malouine au panorama grandiose, se parent de luxueuses maisons aux inspirations variées (néo-gothique, style chalet, malouinière…). La plus emblématique de toute est la Villa les Roches brunes. Située à l’extrémité́ de la pointe de la Malouine, toutes ses fenêtres offrent une vue mer. Lieu culturel aujourd'hui propriété de la ville, elle est ouverte à tous. Après la 1^ère guerre mondiale, les années 1920 voient revenir la riche clientèle. La ville se modernise et développe de nouveaux quartiers. Hôtels, villas, casino de style art déco reflètent la frénésie de construction des années folles. La Promenade du Clair de Lune, qui serpente de la Pointe du Moulinet à la plage du Prieuré, permet de profiter de l'ambiance romantique et délicieusement rétro de Dinard, entre villas Art Déco, hôtels néo-classiques et palmeraie.

Au sortir de la 2^ème Guerre Mondiale, Le Havre, ville martyre, est rasée à 85%. Sa reconstruction est une priorité nationale, que le gouvernement attribue à Auguste Perret. L'architecte convoque différents concepts de l’architecture moderne : le plan général de la ville s’articule autour d’un triangle monumental (place de l’Hôtel de Ville - Porte Océane - le front de mer Sud), dynamisé par le quadrillage en grands îlots, aux larges avenues et perspectives, qui laissent circuler l’air et la lumière. Pour des raisons de coût et efficacité, Perret opte pour une trame unique, imposant à tous les bâtiments une largeur de 6,24 m (soit la portée optimale d’une poutre de béton armé). Cette standardisation produit un ensemble remarquable de cohérence et d'harmonie. La modernité se traduit aussi par l’emploi du béton armé, dont Perret est le pionnier. Il en explore toutes les possibilités esthétiques. Béton bouchardé, béton gravillonné, bétons teintés dans la masse, habillent les immeubles de couleurs et d'effets matière variés. Parallèlement, Perret convoque aussi les codes classiques de l’architecture antique : colonnes, chapiteaux, entablements et corniches ornent les façades. Une visite de l'appartement-témoin de Perret permet de comprendre pourquoi Le Havre est devenu un cas d'école, inscrit au patrimoine mondial par l’UNESCO en 2005.
Après Perret, Oscar Niemeyer vient renforcer la signature de la ville avec « le Volcan» (Théâtre, scène nationale et bibliothèque). Une forme originale dont la douceur des courbes et le blanc immaculé viennent dialoguer avec l’orthogonalité de Perret.